En 2018, à l’occasion de « Traversée », la première grande exposition collective au Comptoir des Mines, Fatiha Zemmouri invitait les publics à découvrir un champ de blé qu’elle avait recréé au sein d’un appartement de la galerie, et qu’elle avait intitulé « Jonction ».
Cette grande installation conceptuelle venait déconstruire l’idée préétablie qu’élabore notre esprit au moment d’aborder un lieu, un territoire ou une frontière pour inventer de nouvelles perceptions autour d’un abri intime, en vue d’atteindre ce que Bachelard désigne comme « l’espace équivoque ».
Aujourd’hui, nous sommes heureux de collaborer de nouveau avec elle afin de présenter sa grande exposition « Intra-muros », qui aborde une préoccupation grandissante de notre époque : l’édification, un peu partout sur la planète, de murs de séparation pour endiguer ou réguler les mouvements migratoires au lieu d’intervenir pour sauver et aider l’humain.
Cette exposition trouve racine dans la terre de la campagne où elle s’est fraichement établie pour fuir le rythme et les murs de sa précédente vie à Casablanca. Ce départ hors les murs de sa précédente cité lui a fait prendre conscience que la terre est un bien commun, une ressource précieuse et non un outil de richesse, de domination ou de protection.
Fatiha Zemmouri s’était aventuré, par le passé, à expérimenter plusieurs matériaux dont elle observait la transformation pour en traduire la poésie subtile à travers des compositions d’une grande virtuosité. Cette fois, la terre n’est plus l’outil, mais l’objet de sa création, puisqu’elle se fait l’écho des populations stoppées ou interdites de circulation selon leurs origines et leurs provenances.
Elle donne à voir les sables arides du désert. Une esthétique superbe depuis nos écrans ; des enfers pour les vivants. Ils contrastent avec les terres riches et généreuses d’autres parties du monde qui produisent de l’attraction, de la sollicitation et drainent des flux. Le départ n’est jamais chose facile. Abandonner une terre et laisser derrière soi sa famille et sa culture est l’un des choix les plus pénibles à assumer.
Texte extrait du catalogue de l’exposition