African Poetry

Group show

21 February — 22 April 2019

CM Gallery

Exposition collective avec :
Mohammed Kacimi, Mustapha Akrim, Mohamed Arejdal, Younes Atbane, Hassan Bourkia, Larbi Cherkaoui, Simohammed Fettaka, Kalil Nemmaoui.

« Je parle l’Art comme on dit je parle la langue maternelle, comme source, repère, comme j’utilise d’autres langues d’adoption comme moyen d’aimer.

Moi qui suis le multiple culturellement, je suis l’Afrique, l’Orient, l’Occident, entrecroisement vécu comme graphe, signes, matériaux de connaissance. Je suis un voyageur elliptique dessinant la trajectoire du chaos et le sens de la dignité.

J’ai travaillé sur la Route de l’Esclave au Bénin, à St Louis, à Dakar et sur les dédales sahariens ou la côte Atlantique du Maroc, ou dans le corps des villes d’autres pays… Cet état d’être corporel, mystique, pour échapper à la rigidité du concept fermé, à l’idée de l’art comme objet, le dévoilement du manque.

Le vrai sens qui est dans le plis du déséquilibre est le silence du monde, et pourtant ici il ne s’agit pas du désordre mais du mystère de l’invention, de l’aventure d’un regard, une narration visuelle de cette nécessité qui nous fait agir, en l’occurrence, voyager dans notre propre folie.

Aller dans la rue vient du besoin d’échapper à l’empire des lieux fermés ou de la notation unilatérale de la fonction de l’art, les différentes maladies de la civilisation, vieillissement, décadence, saturation, militarisation, oppression ne sont d’une donnée.

L’artiste africain n’a d’autre destin que de conter ce qui est arrivé, ce qui arrive, et ce qui est à l’état d’arriver il n’a d’autres destins que de créer des événements, d’abord dans le creux de son corps, puis dans son environnement au sens ouvert…

Je n’arrête pas de glisser hors de la peinture pour revenir à elle comme geste extrême, là où elle se donne comme els origines futures de la pensée. La dimension d’une peinture est à la mesure du corps qui la réalise. Elle est faite de résonances archéologiques, de chair, de voix, d’une stratégie du sens. Elle est l’écho d’une mémoire séculaire.

La peinture dit au peintre « fais-moi », je suis ta langue, ton œil, ton lien à la matière, la substance révélée, strates de chair… Structurée en géométrie cachée qui gère les figures.

L’art islamique – comme corps végétal, floral, calligraphique, qui s’organise comme psalmodie, son, ou partition de l’entrecroisement des rythmes, fasciné par cette émergence du sens comme résonance immédiate d’une réalité visuelle, culturelle, gravée comme absolu…

Au-delà je privilégie l’intuition comme moteur, tête chercheuse qui me dirige vers une déconstruction de cette organisation mythique en favorisant le sens, la construction générative, l’imprévu comme données poétiques.

Je fais appel à des zones d’ombre.

Aucune forme n’est la finalité, elle est l’aboutissement d’un démantèlement quasi spirituel, tactile, où l’œil perd le centre, une géométrie dont on voit pas les angles.

Il n’a jamais été dit que le mystique soit une absence. Elle est le sens profond de la liberté et de la dignité.

L’artiste africain n’est pas seulement le représentant, le transmetteur de l’exotisme et des rites ancestraux qui alimentent les imaginaires en perte de sens. Le créateur de l’Afrique est le passeur de sa propre histoire avec tout ce qu’elle a de complexe, d’ascendant, de rituel, d’éclatant.

Face à des mutations, des répressions locales et internationales des misères et des aberrations politiques. Face à la tyrannie de toute forme, y compris celle de sa propre tradition. L’artiste africain contemporain est l’archéologue, de la succession du temps, des strates des signes et de matière depuis le temps de la Belle Lucie à nos jours (découverte des origines). Un état d’être en prise directe avec les événements…

L’Afrique n’est pas seulement un lien géographique producteur de signes de rites et de safari comme elle l’est souvent dans l’imaginaire occidental, mais aussi celle de la mort, du déboisement culturel, de la désertification, et de manipulations de toutes sortes ».

Mohammed Kacimi
Suites africaines, Paris, mars 1997

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