“ Ainsi pourrais-je dire que l’œuvre artistique de Khadija Jayi s’élabore dans une logique d’annihilation, dans le but de réajuster les fragments d’une identité brisée. Une identité qui, pour conjurer les souffrances d’un passé affligeant, doit subir une épreuve de purification extrême : celle du feu, dont la vertu est de cautériser et cicatriser les blessures mal guéries. Une nécessité intérieure à laquelle répond subtilement la violence d’un acte incisif qui imprime par la brûlure, sur un matériau déterminé, un effet de consumation irréversible. La nature fragile et inflammable du subjectile voué au feu est essentielle dans ce procédé atypique : le papier, que l’artiste manipule en lui infligeant toutes sortes de sévices comme pour lui demander de rendre des comptes. Extrapolation allusive qui donne à réfléchir… Car cette métaphore qui ouvre la pensée à une multitude de supputations, se transpose dans une action créatrice afin de cerner l’indicible. Mais au-delà de la signification symbolique, n’est-il pas tentant d’attribuer à cette œuvre innovante des qualités esthétiques indéniables ? En effet, l’artifice des traces de brûlures, la dégradation des tons, le rythme ondulatoire des reliefs, toutes ces animations de surface et ces signes savamment ordonnés, stimulent l’esprit en lui offrant une belle occasion de rêverie.
Extrait du texte “À l’épreuve du feu. Passion et endurance” de Abdelkebir Rabi, catalogue de l’exposition “Brûlures du vivant”, 2022