« Les débuts du Comptoir des Mines Galerie s’inscrivent dans un moment singulier de l’histoire culturelle marocaine, marqué à la fois par l’essor d’initiatives privées récentes et par l’affaiblissement relatif des institutions publiques. Si des lieux emblématiques, comme la Galerie Bab Rouah, ont contribué à faire émerger une scène nationale moderne dans les années 1960-1990, la rareté structurelle de musées dignes de ce nom a fait perdurer la dépendance du champ de l’art contemporain à l’égard d’espaces éphémères ou de relais extérieurs.
Au départ, le Comptoir des Mines Galerie portait la promesse de transformer la scène artistique en s’adressant en priorité aux scènes émergentes locales, avec la volonté affirmée de se distinguer des autres structures. Il s’agissait d’offrir à la jeune scène marocaine les moyens d’expression et le soutien qui lui faisaient jusqu’alors défaut.
Avec une programmation artistique comportant plus d’une quinzaine de manifestations annuelles : vernissages, rencontres de presse, résidences d’artistes, visites privées d’institutions et de collectionneurs, expositions individuelles et collectives, co-curation d’expositions d’institutions et musées, et participation à des foires internationales.
Le Comptoir des Mines Galerie a ainsi assuré, par la mise en œuvre d’un programme ambitieux d’expositions collectives et monographiques, soutenu par une politique éditoriale au long cours, une fonction institutionnelle de substitution. Ce dispositif a progressivement permis de bâtir des références solides et de consolider une mémoire vivante de l’art contemporain marocain. À cela s’ajoute un programme indépendant, Majaz, initié il y a quatre ans, qui a déjà révélé neuf lauréats, dont certains sont aujourd’hui devenus des artistes de stature internationale ; distingués par des prix et intégrés dans des collections prestigieuses et institutionnelles. L’exemple de Khadija Jayi illustre avec force cette trajectoire.
La galerie ne se contente pas d’occuper une place parmi d’autres, mais se donne comme véritable opérateur de champ, modifiant les équilibres entre artistes, critiques, collectionneurs et publics. Cette fonction s’est traduite par une stratégie de long terme : accompagner sur plusieurs années, produire des corpus critiques autour des œuvres, inscrire ces trajectoires dans une histoire collective. »
Extrait « Instituer autrement : une décennie charnière de pratiques et de contre(récits) » par Yiman Erraziki, Catalogue d’exposition « 10 ans d’une expérience artistique singulière » (Octobre 2025)