Ressala

Mohamed Arejdal

28 Décembre 2019 — 3 Mars 2020

CM Galerie

ACTE I

Par Laila Hida

L’acte, comme ce qui doit être fait en vu d’une finalité, mais aussi, l’acte I d’une pièce dont on ne connaît ni le début, ni la fin.

Plastique relationnelle :
Plus loin que le ventre de nos mères, quelque part entre le placenta et la voûte céleste, entre la conception et l’idée même de se repro- duire qui effleure l’esprit de deux personnes, par l’inadvertance d’un moment, parfois la friction de deux cultures, sûrement à l’intersec- tion de deux vies, d’où venons nous ?

C’est peut-être, dans cette quête longue et inépuisable d’hypo-thèses scientifiques, de croyances religieuses, de transmissions culturelles, de mythes à réinventer à l’infini que se loge la question de Mohamed Arejdal. Quelque part entre le visible et l’invisible, l’histoire et l’archive, le sacré et le profane, le projet d’Arejdal, construit une mémoire du tout, de l’infiniment intime à l’universel et quelqu’en soit notre compréhension, le rapport à l’autre, prédomine le geste.

Cette relation au monde, au territoire et à l’altérité est au centre d’une conversation constante, informée et omnisciente qui réduit l’espace entre la vie et l’œuvre et cherche constamment à en combler les interstices. Un croisement qui parfois se superpose, presque dangereusement, sur le terrain de prédilection d’Arejdal, celui dont il connait et maitrise les codes et les gestes. Dans les histoires qu’il nous raconte, la rencontre n’est jamais anecdotique, au contraire, centrale, elle nous amène à réfléchir au sens d’“Être” au travers de l’autre, “dans son regard” comme il le dit lui-même, mais surtout dans nos rapports complexes conditionnés par des structures sociales, politiques, voire économiques.

Je l’observe souvent de loin, car nous vivons dans la même quartier, marcher, toujours le pas léger et déterminé, comme le chat, alerte et à l’affût, de ce que pourrait offrir le prochain virage, comme appât, odeur, rencontre, nouveau départ ou proposition de vie, parfois de survie. Il dévie facilement et volontiers son chemin pour s’engager au gré du hasard ou de la coïncidence sur un parcours non connu. Il semblerait que la constante chez Arejdal soit cet espace non négocié, hors champs, à la limite du cadre, entre l’entrave et le dépassement. Alors qu’il creuse de toutes part des excavations d’histoires, les galeries souterraines se rejoignent et dessinent des géographie imaginaires, traçant des lignes entre les récits, re-configurant les relations.

Si la couture apparaît souvent dans son travail pour assembler les tissus, rafistoler le vêtement, recoller les chutes, elle peut être lue comme symbole de “réparation” de la faille ou la fente, blessure primitive qui conditionne la distance entre le penser et le faire, l’écriture et l’oralité, l’intuition et la déduction. C’est sous le prisme trompeur de la bipolarité que je comprends l’œuvre d’Arejdal, personnage singulier ; pas tant qu’il le soit plus que d’autres, mais d’une singularité multifacettes, décalée, insaisissable, qui ne se joue pas dans le terrain attendu de l’exubérance mais à la limite de la folie.

Dans ce rapport à l’inconnu, construit consciencieusement,
au travers de chaque situation qui croise son chemin, il y a une volonté viscérale de laisser trace, saisir le territoire, toucher les frontières et remettre en question les règles du jeu. Une simple conversation avec Arejdal devient un enjeu de (se) repenser et remet en question ce que l’on croit saisir de lui, une complexité de l’être dans son rapport ultrasensible au monde.

Cartographie de l’ultra-sensible :
Arejdal réaffirme à l’infini son affiliation à une culture plutôt
qu’à une nation, à un territoire ancestral plutôt qu’à des frontières contemporaines. Il dessine l’Afrique au-dessus de nos têtes pour invoquer notre désir d’appartenance, nos fantasmes et désillusions de réalités brutes voir brutales.
Nous sommes là, juste en dessous, tentant de faire monde meil- leur, mais le fait même que la forme nous apparaisse par la cassure, fragilisant le toit et dévoilant la structure, le fer à béton et la brique, remet en question un modèle figé, parfois écrasant, voire archaïque pour en proposer une utopie qui n’a de limite que le ciel. Cette résistance au “système”, est sous-jacente à l’ensemble de son œuvre, qui en emprunte les codes pour le contredire, le tester, l’éprouver, s’en rapprocher et parfois même s’y brûler.

Et pour cause ! Ses origines du Sud du Maroc imprègnent sa conception d’une certaine liberté, arrachée, assumée et endossée, comme LA condition pour être humain; être libre. Enfin, dans
le prolongement de cette dernière, la notion de l’espace, matériel et immatériel, limité et extensible devient de fait un terrain de jeu favorable pour l’artiste qui convoque le droit de circulation et d’existence en dehors des lignes, mais aussi l’hospitalité comme mode de vie et mode de pensée. C’est dans ce monde sensoriel qu’il fait se croiser les identités, les récits et les cultures, à travers une cosmo-poétique chargée de signes et de traces.

Fin de l’acte I

Texte dans le Catalogue de l’exposition Ressala

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