Existe-t-il un déclic, un évènement fondateur pour toute aventure artistique ? Sans doute, héritons-nous tous de nos passions de jeunesse et des fréquentations qui nous ont, de près ou de loin, initié à la passion de l’art. Pour Youssef Hayat, tout débute à Tanger où dans la prime adolescence, celui-ci a l’honneur de rencontrer Paul Bowles, à l’image notamment de Mounir Fatmi. Les photographies qu’il découvre alors des nombreuses pérégrinations de l’écrivain américain le convainquent, polaroïd en main, d’écumer les nombreux territoires, plus ou moins toujours interlopes, qui dessinent la cartographie de sa ville natale ; cette ville au passé international, toujours à la lisière de deux univers. Une ville à la fois ouverte sur le monde extérieur et repliée sur elle-même, partagée entre l’aspiration à un ailleurs utopique et quête permanente de la beauté électrisante de l’instant présent. « Capturer l’instant » : telle est la mission que Youssef Hayat assigne à la photographie, mais on croirait qu’il s’agit plutôt de capturer cette échappée permanente de l’instant qui caractérise une ville insaisissable.
De cet ancrage premier naît un intérêt jamais démenti du photographe pour les lignes de fuite ou d’horizon si caractéristiques du paysage tangérois. « J’ai toujours cherché une ligne que je n’ai jamais trouvée, explique-t-il. Petit, déjà, je cherchais la ligne du détroit de Gibraltar que j’avais besoin de matérialiser. » On ne s’étonnera pas que les lignes structurent chacune de ses photographies, quand elles n’en constituent pas l’ossature comme en témoignent ces architectures quasi brutalistes photographiées à Dubaï, Paris ou Marrakech ou cette simple trame textile dont l’enchevêtrement voluptueux des lignes évoque le motif de bas résilles. Nombreuses sont dans ces clichés urbains les contre-plongées à travers lesquelles le photographe retrouve un peu de l’émerveillement de l’enfance et du plaisir d’expérimentation de l’adulte. »
Olivier Rachet
Extrait du catalogue d’exposition
Youssef Hayat, à partir du 8 février 2024