Exposition collective avec : Mariam Abouzid Souali, Mustapha Akrim, Mohamed Arejdal, Hassan Bourkia, Simohammed Fettaka, Mohammed Kacimi, Fatiha Zemmouri.
Le Comptoir des Mines, espace d’art fondé en octobre-novembre 2016 est aujourd’hui un lieu atypique de la scène artistique marocaine, situé à l’angle de la rue de La Liberté et celle de Yougoslavie, à Marrakech, dans le quartier Guéliz. J’aime à dire que sa place artistique spéciale il la tient d’abord de son emplacement. À l’intersection d’une quête absolue et d’un territoire imaginaire (qui vit encore dans les mémoires), il a naturellement attiré des projets en résonance avec ces sujets.
À son origine, il n’était alors qu’une promesse de transformation de notre scène artistique afin de mieux y accueillir les scènes émergentes marocaines et étrangères plus tard. Notre seule ambition avec l’équipe initiale du projet était d’en faire un lieu différent des autres structures, où la scène artistique émergente marocaine pourrait enfin trouver les moyens d’expression et d’accompagnement dont elle avait besoin.
L’entame du projet était d’emblée ambitieuse, restaurer des bâtiments des années 30 situés au cœur du quartier Guéliz à Marrakech et y insuffler une nouvelle vie. La restauration du site a été une aventure en plusieurs étapes, riche en enseignement, nous permettant de nous inscrire au cœur de plusieurs dynamiques sociales et urbaines.
Avec beaucoup d’abnégation, nous avons au fur et à mesure bâti une relation de confiance avec les artistes que nous admirions, pour les convaincre de se solidariser à cette aventure, et notamment avec ceux qui ne croyaient plus en un certain milieu de l’art marocain qui leur avait trop longtemps tourné le dos. Le Comptoir des Mines devenait leur adresse, leur seconde maison où ils pouvaient poser leurs valises et délivrer une part de leur génie.
Les toutes premières expositions collectives et individuelles, qui y ont été menées avec succès durant la COP22, ont permis aux uns et autres d’y croire davantage. Vers la fin 2017, les expositions « Chantier II » de Mustapha Akrim et « Un parfum de liberté » de Mohammed Kacimi installeront le Comptoir des Mines dans la cartographie artistique marocaine, et c’est surtout à l’occasion de la foire 1:54 en 2018, et en 2019 qu’il gagnera une dimension internationale en accueillant plusieurs projets distincts dans tous les espaces rénovés du bâtiment. Mustapha Akrim, Mohamed Arejdal, Fatiha Zemmouri, Simmohamed Fettaka, Larbi Cherkaoui, Youness Atbane, Hassan Bourkia, Mariam Abouzid Souali, et Abdelaziz Zerrou triompheront dans notre lieu et dialogueront avec les milliers de visiteurs attirés par notre expérience.
« Mare Nostrum » en Décembre 2018, autre temps fort du Comptoir des Mines durant le Forum International des Migrations sous l’égide de l’ONU, a révélé autrement l’esprit du lieu aux diplomates internationaux, qui ont été surpris de découvrir au Maroc une exposition aussi «crue» sur les drames en méditerranée.
Plus tard, à la fin de l’année 2019 la grande exposition de Mohamed Arejdal « Ressala » et «Intra-Muros» de Fatiha Zemmouri début 2020 bouleverseront une fois de plus les codes, grâce à l’ampleur des productions artistiques, les matériaux utilisés, et l’aspect déroutant de leurs mises en scène. En quelques années, les publics marocains et étrangers de passage à Marrakech ont plébiscité le lieu et nous étions étonnés de trouver dans les couloirs du bâtiment des publics de toutes origines : des familles, des commissaires d’exposition, des collectionneurs, des étudiants, aux riverains et toute la scène artistique marocaine déambulaient avec beaucoup de bienveillance dans les dédales et couloirs des bâtiments.
Autour de l’art, plusieurs belles collaborations ont vu le jour avec différents auteurs et des critiques d’art talentueux. Alexandre Colliex en premier lieu, infatigable ambassadeur de notre structure qui a ouvert de nombreuses portes aux artistes, Réda Zaireg, Soufiane Sbiti, Olivier Rachet, Jean Michel Bouhours, Syham Weigant, Laila Hida, Sara Dornhof, Mohamed Charef et Brahim Haissan qui ont accompagné et nourri nos projets de leurs dimensions intellectuelles.
Nous avions, fin 2019 début 2020, réussi à transformer notre promesse en réalité, et la scène artistique autrefois qualifiée d’émergente était désormais installée aux commandes du vaisseau de l’Art marocain. L’exposition hors-les murs « Miroir Collectif» au Musée Bank El-Maghrib à Rabat scellait cette transformation et rapprochait les artistes à travers les âges et les générations dans un dialogue sensible autour des mêmes préoccupations. Les demandes de participations aux biennales et grandes foires internationales affluaient pour nos artistes, et notre galerie qui avait gagné sa légitimité internationale.
Ces belles expériences artistiques et les thèmes dévoilés ont justement poussé les instigateurs de la saison Africa 2020 à confier à l’équipe du Comptoir des Mines une grande exposition en Octobre 2020 au MRAC OCCITANIE, pour aborder la relation passionnelle qui unit le Continent Africain à la France.
Malheureusement la crise du COVID 19 a interrompu cette dynamique et nous a fragilisée car nous avions entamé plusieurs projets simultanément. Déséquilibrés mais jamais désarçonnés, nous devions rebondir et dévoiler une nouvelle exposition : « Résistance d’une Promesse» qui désigne à la fois l’action que nous entreprenons de résister à la crise du COVID 19, et les valeurs que nous avons toujours soutenu depuis le Comptoir des Mines.
À Marrakech, nous avons souvent évoqué dans nos projets l’Afrique et le Monde Arabe à travers différents projets car nous sommes conscients que notre identité est la fille d’un métissage entre plusieurs cultures et conquêtes, dont certaines blessures de l’histoire n’ont jamais cicatrisé. Réda Zaireg, brillant auteur qui nous a souvent accompagné auparavant, a su encore une fois de plus trouver les mots justes pour accompagner le projet « Résistance d’une Promesse » et parler à sa façon de notre identité collective ballotée entre les forces qui nous poussent tantôt à être ceci ou cela, et qui souhaiteraient nous enfermer dans un habit trop étroit pour nous. « Résistance d’une Promesse» rappellera donc notre singularité face à ces blocs et notre attachement aux valeurs de liberté, solidement ancrées dans notre l’histoire de l’art.
Si nous sommes souvent critiques vis à vis de nous-mêmes nous le sommes aussi pour l’Occident, le Moyen-Orient et pour le continent Africain, où subsistent des querelles territoriales, des guerres économiques, des divisions ethniques et religieuses qui façonnent notre avenir. Convoquant le défunt Mohammed Kacimi et les artistes avec lesquels nous collaborons, nous avons dessiné un parcours qui revendique une vision alternative du monde du Général Lyautey à Mahmoud Darwich, et de la cause Palestinienne à une vision erronée de l’Afrique, éternelle découverte de l’occident.
En déséquilibre mais jamais désarçonné, l’esprit du Comptoir des Mines vit désormais dans le cœur de ses visiteurs et des étudiants en Beaux-arts à Tétouan, Casablanca, Marrakech et d’autres villes du Maroc. Notre promesse n’est plus en danger car elle a rejoint une histoire collective qui la rapproche désormais d’autres grandes aventures artistique militantes marocaines nées elles aussi à Marrakech entre 1969 et 1978.
Si la crise devait emporter Le Comptoir des Mines à Marrakech, je sais que d’autres promesses similaires verront le jour et sauront accompagner le génie de nos artistes. Nous nous rangeons tous derrière cette rime d’Alfred de Musset dans son poème « La coupe et les Lèvres », datée 1831 : « Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse »… Quel que soit l’avenir qui se profile à l’horizon, je souhaite rendre un hommage appuyé à Imane Barakat, Rania Saadouli, Yasmine Moufti, Salah Charef, Taha Ibn Rass, Maroua Merzouki, Farid Ghazaoui, Najat Houzir, Tarik El Asmar, Aziza Mouhalhal, Joelle Benmoha, Walid Ayoub, et Chaymae Ejjakhch… qui ont tous contribué à formuler cette promesse…
Texte Extrait du catalogue de l’exposition Résistance d’une promesse.